Pr Amieva : les troubles de l’audition non pris en charge augmentent les risques de démence, de dépression et de dépendance

Les résultats préliminaires de l’équipe bordelaise confirment ceux précédemment diffusés sur le déclin cognitif et apportent de nouvelles données : les troubles de l’audition entraîneraient un sur-risque de dépression, de démence et de dépendance (légère et lourde). Cependant, ce sur-risque disparaît chez les personnes appareillées.

Alors que la prévalence des troubles de l’audition augmente avec l’âge (environ 2/3 des personnes âgées de plus de 65 ans), l’équipe du Pr Amieva s’est intéressée aux quatre dimensions du vieillissement, les « 4D » : la dépression (qui touche 20 % des personnes âgées et qui reste cependant sous-évaluée), la démence (qui concerne 10 % des plus de 65nbsp;ans et 20 % des 80 ans et plus), la dépendance (qui représente un coût conséquent et qui augmente avec les années) et enfin le décès.

En l’absence de données sur l’impact de la prise en charge des troubles de l’audition, le Pr Amieva et son équipe ont réalisé leur étude au sein de personnes issues de la cohorte Paquid afin d’évaluer l’impact des troubles auditifs et de leur prise en charge sur chacun des « 4D ».

Près de 3 700 personnes âgées de 65 ans et plus (moyenne d’âge de 75 ans) ont participé. Parmi elles, 5 % ont déclaré présenter des troubles auditifs et utiliser un appareil auditif, 32nbsp;% ont affirmé être gênées par des troubles auditifs sans porter d’appareils, et 63 % ont déclaré ne pas être gênées et ne pas porter d’aides auditives.

Un sur-risque de démence pour les personnes âgées souffrant de troubles auditifs et non appareillées

Pour évaluer la démence des patients, l’équipe du Pr Amieva s’est basée sur un diagnostic clinique en trois temps : « Le point fort de l’étude réside dans la qualité de l’évaluation de la démence, effectuée par des médecins spécialistes qui se sont rendus au domicile des patients, explique Hélène Amieva. Un psychologue se rendait en premier lieu au domicile du patient, chez qui il émettait une suspicion de démence le cas échéant. Puis ce repérage était validé par un neurologue gériatre. Enfin, le cas du patient faisait l’objet d’une validation par une équipe de neurologues et de gériatres ».

Les résultats montrent que le risque de démence augmente chez les personnes ayant déclaré présenter des troubles auditifs. « Le sur-risque est significatif uniquement chez les personnes non appareillées, souligne le Pr Amieva. Et ce sur-risque est absent chez les personnes appareillées. »

L’appareillage permet d’éliminer le sur-risque de dépendance

De même, les résultats préliminaires montrent que le risque de développer une dépendance est plus important chez les personnes présentant un trouble auditif sans aides auditives. Là encore, le sur-risque était absent chez les personnes appareillées. « Le risque est significatif chez les personnes non appareillées, pour une dépendance légère à lourde, dans les activités basiques quotidiennes : se vêtir, s’alimenter », ajoute le Pr Amieva.

Enfin, une association a été observée entre le risque de dépression et les troubles auditifs chez les personnes non appareillées. En revanche, aucune association n’a été révélée sur le risque de décès chez les personnes présentant des troubles de l’audition, qu’elles soient appareillées ou non (contrairement à ce qu’avait trouvé l’équipe de Frank Lin dans une étude de 2015).

« Ces résultats confirment que les troubles de l’audition représentent un enjeu à l’échelle individuelle mais également collective, ainsi qu’un enjeu socio-économique », souligne Hélène Amieva, qui s’interroge sur la place de la prise en charge de l’audition dans la politique du bien vieillir. Et de conclure : « Les données obtenues justifient la mise en place d’études d’intervention, afin d’apporter la preuve définitive de l’impact des troubles de l’audition ».

FB