Thérapie Génique : la recherche avance à pas de souris

D’après l’OMS 466 millions de personnes, soit 5 % de la population, sont atteintes d’un déficit auditif invalidant. Un nombre qui devrait atteindre 900 millions d’ici à 2050. Ce qui en fait le handicap sensoriel le plus répandu. 70 % des formes congénitales et 25 % des surdités de l’adulte ont une origine génétique. Des centaines de gènes responsables de la surdité ont déjà été identifiés, mais d’autres demeurent encore inconnus.

Face à de telles données, les chercheurs se mobilisent et progressent, pas à pas, dans le domaine des thérapies géniques, l’un des principaux espoirs de guérison de la surdité.

Cap sur l’otoferline

Sur ce terrain, fin juillet, la société de biotechnologie Sensorion a soumis une demande d’autorisation d’essai clinique au Royaume-Uni et en Europe pour un produit de thérapie génique destiné au traitement de la perte auditive liée au gène de l’otoferline (OTOF) chez les patients de 6 à 31 mois. « Cette thérapie génique a été développée afin de restaurer l’audition des patients porteurs de mutations liées à un déficit en otoferline (Une protéine indispensable à la transmission du signal jusqu’au nerf auditif ndlr) souffrant d’une perte d’audition neurosensorielle sévère à profonde, prélinguale, et non syndromique. », expliquait l’entreprise dans un communiqué. Cette avancée a été reconnue par la Food and Drug Administration (FDA) des Etats-Unis et l’Agence européenne du médicament qui ont accordé à OTOF-GT la désignation de médicament orphelin.

L’expression des gènes au cœur de la recherche

Dans un article publié le 19 juin 2023, l’Institut Pasteur note que la stratégie de remplacement est « de loin la plus développée aujourd’hui ». Elle consiste à introduire du matériel génétique dans des cellules atteinte de la cochlée, l’organe qui traduit les informations acoustiques en impulsion nerveuse. Cette stratégie exige toutefois que le gène thérapeutique « ait une expression spatio-temporelle qui mime celle du gène endogène », explique l’Institut Pasteur. Et c’est précisément sur l’expression des gènes dans la cochlée que les connaissances sont encore limitées.

Néanmoins, là encore la recherche progresse. Dans une étude intitulée Profilage transcriptomique unicellulaire de la cochlée de souris : un atlas pour les thérapies ciblées publiée le 20 juin 2023, des chercheurs de l’Institut de l’Audition ont « établi la chronologie de l’expression des gènes dans près de 120 000 cellules à trois stades critiques du développement de la cochlée. », décrivent dans un billet blog, Nicolas Michalski et Christine Petit, chercheurs à l’Institut de l’Audition et codirecteurs de l’étude.

Les scientifiques sont parvenus à caractériser une trentaine de types cellulaires et à en découvrir trois nouveaux. Ils ont également pu documenter encore un peu plus le développement de la cochlée et les propriétés biophysiques de l’analyse de fréquences sonores. Ces travaux ont également permis de classifier les gènes jouant un rôle dans le développement de la cochlée… et/ou de la surdité. L’intérêt ? Ces avancées éclairent encore un peu plus les causes de la surdité et contribueront donc, en théorie, au développement de thérapies mieux ciblées.

Des souris guéries de la surdité

Autre exemple : des chercheurs de l’Institut de psychiatrie, de psychologie et de neurosciences (IoPPN) du King’s College de Londres ont réussi à corriger la surdité chez des souris en réactivant le gène Spns2 défectueux à l’aide d’une enzyme. Si les rongeurs ont retrouvé une audition proche de la normale, les résultats suggèrent que l’intervention est d’autant plus efficace si elle est réalisée à un âge précoce.

Les recherches mettent en exergue qu’au moins un type de dysfonctionnement de l’oreille interne est réversible, du moins chez ces petits mammifères. Mais de nombreux facteurs, tels que la différence de maturation chronologique de l’oreille interne d’une souris à l’homme, la sécurité de la chirurgie, le vecteur de délivrance du gène, et d’autres considérations techniques et physiologiques doivent être évaluées avant toute application à l’homme.