Norme NF en audioprothèse : les centres auditifs doivent-ils se faire certifier ?
Ne croyez pas que la norme NF518 existe depuis la nuit des temps : les travaux ont commencé en 2005 (une norme française créée en 2013 en a découlé) et ont été concrétisés en 2020 à travers une norme européenne.
Rappelons tout d’abord ce qu’est une norme NF : c’est avant tout une garantie sur la qualité d’un produit ou d’un service, mais aussi un gage de sécurité puisque cela indique qu’il respecte les normes. La certification NF n’est pas obligatoire : faire certifier son entreprise est une démarche volontaire.
Y a-t-il une différence entre une norme et une certification ?
La norme est un ensemble de recommandations sur les méthodes et pratiques, alors que la certification correspond au processus pour obtenir l’attestation de respect de ces normes.
La norme est travaillée avec des acteurs reconnus du domaine, afin de correspondre au mieux à la réalité et aux besoins de la profession. Il n’y a qu’une norme internationale pour l’audioprothèse, la NF EN ISO 21388. Élaborée et validée avec toutes les parties prenantes de la filière audio et coordonnée par l’Afnor, elle couvre l’ensemble de la prestation, depuis l’accueil jusqu’au service après-vente, en passant par la livraison des aides auditives et la prise en compte des besoins du patient.
La certification est réalisée par un organisme certificateur. En l’occurrence, pour les audioprothésistes, il s’agit principalement de l’Afnor Certification ou de Bureau Veritas. La certification NF518 s’obtient après la rédaction des différentes procédures, les vérifications et les audits de l’organisme.
Tout le monde peut se faire certifier : audioprothésistes indépendants, grandes enseignes et centres mutualistes. Dans la pratique, ce sont principalement les enseignes avec une taille importante qui se lancent dans l’aventure. Il faut avoir une activité depuis au moins 6 mois, un numéro Adeli et un diplôme d’État d’audioprothésiste ; il faut aussi respecter l’ensemble des recommandations de la norme NF518, ainsi que toutes les exigences de la norme NF EN ISO 21388. En France, le réseau Audilab est le principal certifié, mais Dyapason, GrandAudition et Ideal Audition le sont également.
Audilab, le réseau le plus certifié en France, affiche ses certifications sur la porte de ses centres
Pourquoi se faire certifier ?
Selon l’Afnor, il faut entamer cette démarche pour garantir un service de qualité aux patients, valoriser son professionnalisme et se différencier des concurrents. « La marque « NF » rassure le consommateur et ses certifications constituent un signe de qualité volontaire, démontrant que les audioprothésistes prennent de réels engagements vis-à-vis de leurs patients. » Il faut dire que la grande majorité des Français connaissent la norme NF. Selon un sondage réalisé il y a plusieurs années par le Syndicat des audioprothésistes, la première certification citée spontanément par le grand public était le Label Rouge, peu digeste pour des audioprothèses, suivi immédiatement par la norme NF.
Pour les professionnels, la norme NF a un double effet, dont le plus important n’est peut-être pas tourné vers le grand public. « Se faire certifier, c’est avant tout un véritable projet d’entreprise, permettant d’engager tous les salariés autour d’un fonctionnement rigoureux. C’est la garantie que l’ensemble de l’entreprise va respecter des règles écrites et opposables, et cela à long terme, car il y a des audits réguliers. Certains patients y sont sensibles, c’est pourquoi les entreprises communiquent dessus », explique Richard Darmon, président du Synea.
Cela peut aussi être utile vis-à-vis des organismes complémentaires d’Assurance Maladie (OCAM) : « Certains OCAM demandent un référentiel de qualité avant d’accepter un audio dans leur réseau. Profiter d’une norme déjà existante comme la NF 518 permet de simplifier le travail, même si la certification est une procédure assez complexe », commente Jean-Jacques Blanchet, audioprothésiste gérant associé Audilab, qui a fait partie des principaux acteurs ayant travaillé à la rédaction de la norme européenne et française.
Que vérifie le référentiel ?
La marque NF « Service audioprothésiste » repose sur le respect de sept engagements. Ces engagements reprennent le code de déontologie européen ainsi que les bonnes pratiques de la profession en matière de prestation de service et de vente et, bien sûr, le respect de la législation. Elle a, par exemple, été remise à jour avec la réforme du 100 % Santé pour intégrer le nombre de centres maximum par audioprothésiste, le devis normalisé, etc. Les sept engagements comprennent la qualité des tests audiométriques, la qualité du choix et de l’adaptation prothétique, les installations et équipements, l’information et le conseil au patient, le contrôle d’efficacité et suivi, la coordination avec le médecin prescripteur, le service après-vente et la fourniture d’accessoires (piles, etc.).
Le référentiel fait près de 80 pages. Chaque vérification se décompose en colonnes avec le critère, l’engagement de service, le détail de l’engagement, les moyens associés et les éléments de preuves. Par exemple, pour le critère « compréhension », il est spécifié que l’identification des interlocuteurs doit se faire sans difficulté. Les éléments de preuve sont listés, tels que port du badge, nom sur des chevalets ou plaque professionnelle visible de l’extérieur et comportant tous les noms des audios exerçant dans l’établissement et numéro d’identification Adeli.
Concrètement, comment ça marche ?
La première étape consiste à rédiger son dossier de candidature auprès de l’organisme certificateur. Il va falloir décrire en détail toutes les procédures et tous les engagements. Il est souvent nécessaire d’avoir une personne responsable de la certification pour vérifier que rien n’est oublié et que tout est complet. Comptez au minimum 6 mois pour la rédaction de votre dossier, mais il n’est pas rare de dépasser largement une année.
Pour les indépendants, tous les centres, souvent peu nombreux, sont audités. Pour les enseignes d’une certaine taille, seuls sont contrôlés la structure centrale, le service qualité et certains centres. « Dans chaque centre, les auditeurs passent plusieurs heures. Ils interviewent les équipes, interrogent un peu tout le monde, de la secrétaire à l’assistante, en passant par l’audio et même les patients. Il arrive qu’ils assistent à des rendez-vous. Ils analysent les données, les pratiques, le tout au regard des exigences de la norme. Tout est fait avec précision et minutie », souligne Jean-Jacques Blanchet.
Il y a ensuite une restitution de l’audit avec la présentation synthétique des conclusions et un rapport d’audit. Si le rapport est positif, le centre est certifié. Il peut alors afficher son certificat et le logo qui y est associé afin de communiquer sur cette certification.
Cependant, la certification Afnor 518 n’est pas valable à vie. Les audits sont réalisés tous les ans, ce qui oblige à maintenir ses exigences.
Historique de la norme
Les travaux portant sur la mise en place d’une norme française pour les centres auditifs ont débuté en 2005. Cela a nécessité d’établir avant tout des bases portées au niveau européen. Cette démarche s’est appuyée sur les process établis initialement pour le SDA, alors appelé Unsaf et présidé par Benoît Roy, dirigeant fondateur d’Audilab, avec l’expertise de Jean-Jacques Blanchet, d’Audilab également. La norme EN15927 a été adoptée en 2010 puis l’élaboration de la norme française s’est appuyée sur la norme européenne en ajoutant plusieurs points spécifiques. La norme NF Service 518 a été validée en 2013.
En 2020, la Corée a demandé s’il était possible que celle-ci devienne une norme internationale. Après concertation entre tous les pays de l’ISO, désormais, la norme de référence est devenue la NF EN ISO 21388. La norme européenne a été reprise et approuvée en juillet 2021 dans son intégralité en version ISO.
Êtes-vous prêt pour la certification ?
Vous pouvez passer un quiz sur le site de l’Afnor (https://certification.afnor.org/) pour voir si vous êtes prêt pour la certification. Entrez « NF Service Audioprothésiste » dans le moteur de recherche puis faites défiler la page jusqu’au mode d’emploi « Êtes-vous prêts pour la certification ? » : le test constitue la première étape du chemin proposé.
NF, je t’aime, mais je te quitte !
Il y a actuellement plusieurs centres indépendants et quatre grands réseaux certifiés par l’Afnor : Audilab, Dyapason, Grandaudition et Ideal Audition.
Certaines enseignes, jusqu’alors certifiées, ne le sont plus aujourd’hui. D’autres se sont fait certifier pour la partie optique de leur activité, mais pas pour la section audio.
Vincent Delerce, audioprothésiste dans le Sud-Ouest maintenant sous enseigne Dyapason, avait, par exemple, fait tout le processus de certification dans son précédent laboratoire et l’était resté quelques années.
« C’est une démarche très intéressante pour organiser son réseau : toutes les procédures sont écrites, il y a les fiches de poste et cela permet de se poser des questions que l’on aborde rarement, comme la sécurité au travail. Mais c’est une procédure lourde et couteuse pour un réseau de quelques centres : nous avions mis 18 mois à écrire les procédures et cela nous prenait beaucoup de temps pour remplir toutes les démarches de suivi, ou rapporter toutes les non-conformités – que ce soit avec les patients, ses salariés ou ses partenaires – et les actions correctives.
« Au bout de 2 ans, nous n’avons pas demandé le renouvèlement. Dans mon nouveau réseau, alors que Dyapason est certifié Afnor, nous avons fait appel à un ingénieur qualité qui a rédigé les fiches de poste, ainsi que les critères de qualité et de sécurité au travail. Cela nous semble plus simple au quotidien et cela a été facilement mis en place, peut-être parce que nous étions déjà sensibilisés par notre certification d’alors. »
Et les distinctions, dans tout ça ?
Meilleur service client pour les audioprothésistes, meilleure enseigne d’audio, meilleur service après-vente, marque préférée des Français… les prix sont légion, organisés par le magazine Capital, BVA, OpinionWay, le site Quisontlesmeilleures, etc. Plusieurs grandes enseignes sont ainsi élues, récompensées ou sur le podium. Des distinctions intéressantes d’un point de vue marketing ou en termes d’image. En plus de valoriser le travail des équipes, « les logos de ces distinctions sont intégrés dans notre communication BtoC, sur l’affichage de nos centres, sur notre site Internet et nos réseaux sociaux, dans notre communication à destination de nos futurs talents ainsi que sur nos supports destinés à nos partenaires ORL », souligne un porte-parole d’Audika, enseigne élue notamment pour la 4e année consécutive « Service client de l’année 2024 » dans la catégorie « Solutions Auditives ».
Pourtant, ces concours restent assez obscurs, avec des critères de jugement peu définis et des panels dont la structure reste floue. D’ailleurs, ni les professionnels ni les patients ne se laissent réellement influencer par ces prix, pas plus que par la très sérieuse certification Afnor. Brice Jantzem, président du SDA, résume : « Pour être utile aux patients, il faut tout d’abord respecter la loi et éventuellement se faire certifier. Participer à ces nominations peut aider d’un point de vue commercial et de communication, mais ce n’est que très subsidiaire. Cela ne représente pas ce que les centres peuvent offrir à leurs patients. »