La fin du DPC : bonne idée ou précipitation ?
La Cour des comptes, puis l'IGAS... Le système de formation continue des professionnels de santé, auquel sont notamment soumis les audioprothésistes, est fortement critiqué. Et voilà qu'à l'occasion de l'examen de la loi de simplification de la vie économique, les députés, qui veulent supprimer de nombreuses instances notamment en santé, visent directement l'ANDPC, accusée d'inefficacité et d'inefficience financière. Certains agents de l'ANDPC ont déposé un préavis de grève. Une agitation qui brouille les messages ?

Alors que les audioprothésistes sont tenus de réaliser des opérations de formations continues obligatoires (DPC, pour Développement Professionnel Continu), géré par l’ANDPC, un rapport de l’IGAS vient de tomber, dont les conclusions sont proches de celles de la Cour des comptes, en préconisant la suppression de ce système.
Ni une, ni deux, des députés veulent en profiter pour faire la peau de l’ANDPC. Mais le temps du politique va-t-il s’accorder au temps long de cette mise en place difficile et fastidieuse qui a été nécessaire celle du système de DPC ?
Que dit la Cour des Comptes ?
Dans son rapport publié en septembre 2024, la Cour des comptes, saisie par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, a dressé un bilan de la formation continue des médecins. Elle évalue l’efficience et la réalité de la formation continue et estime que le processus de « Développement professionnel continu » (DPC), obligatoire depuis 2009, ne remplit pas son rôle. Une partie des formations suivies par les professionnels n’entreraient pas dans ce cadre et une partie des professionnels, même ayant suivis des formations certifiées DPC, n’entrent pas les informations dans leur dossier. Deux audioprothésistes ayant suivi une formation DPC avaient d’ailleurs témoigné de leurs difficultés auprès d’Audio infos 365.
La Cour des comptes soulignent néanmoins le hiatus qu’il existe à faire cohabiter deux obligations de formation continue : le DPC et la nouvelle certification périodique (obligation concernant uniquement les professions de santé possédant un Ordre, dont la mise en place sur le terrain a pris du retard). L’institution de contrôle des comptes publics pose la question de réunir ces deux obligations en une seule et préconise plutôt de choisir la certification périodique.
Que dit l’IGAS ?
Le rapport de l’IGAS paru le 11 mars 2025 visait à établir le bilan du premier contrat d’objectifs et de performances (COP) 2018-2023.
Il constate tout d’abord que malgré « des progrès significatifs réalisés par l’agence dans plusieurs domaines […] seul un quart des actions prévues a été mené à terme, la moitié a été réalisée avec retard ou partiellement et le dernier quart a été abandonné. ». Les auteurs soulignent un désintérêt des tutelles et de l’agence elle-même dans leur instrument de pilotage.
Concernant le déploiement du DPC, le rapport estime qu’il est très en deçà des ambitions affichées, en raison de l’absence de leviers pour inciter les professionnels à suivre des actions et pour les accompagner, notamment financièrement, dans cette démarche. L’IGAS insiste notamment sur le fait que le dispositif n’a pas été pensé pour les salariés. Dans le secteur public, l’IGAS souligne que « La DGOS elle-même, bien que principale tutelle de l’ANDPC, n’identifie pas spécialement le DPC quand elle fixe annuellement aux établissements de la fonction publique hospitalière des priorités de formation continue. »
Passage sous les radars
Le rapport explique aussi comment de nombreuses actions, menées notamment par les établissements de santé, passent sous les radars car les établissements ne les inscrivent pas en raison de la lourdeur administrative et souvent de la nécessité de la rattacher à des orientations prioritaires. Cette difficulté d’inscription ayant aussi pour corollaire de restreindre l’offre pour certaines spécialités rares où les effectifs sont peu nombreux. Ces professionnels ayant ensuite des difficultés à valider leur DPC par manque d’offres adaptées. L’IGAS relève, elle aussi, que la certification périodique qui recouvre en partie des demandes de DPC pose un problème de cohérence et de lisibilité du système.
Des changements importants
Devant ces constats l’IGAS préconise de nombreux changements – parmi eux :
- revoir le dispositif des orientations prioritaires, pour clarifier le rôle de l’agence, renforcer celui des CNP (Conseils Nationaux Professionnels) dans leur élaboration et limiter le champ des orientations aux actions de formation, les actions d’EPP (Evaluation des Pratiques Professionnelles) et de GDR (Gestion des Risques) n’ayant pas vocation à s’inscrire dans des
orientations thématiques ; - élargir le champ du DPC à d’autres actions ne s’inscrivant pas nécessairement dans des orientations nationales prioritaires mais répondant aux besoins prioritaires des établissements employeurs, tout en rendant ceux-ci co-responsables de l’obligation de DPC de leurs salariés, et en engageant pour ce faire une action de communication auprès d’eux ;
- mettre en cohérence la procédure d’enregistrement des ODPC avec l’exigence de certification Qualiopi des organismes de formation ;
- Revoir la gestion des ressources humaines – avec la possibilité pour l’ANDPC de recruter directement en CDI
Des députés coupeurs de têtes
En parallèle, dans une certaine précipitation et avec beaucoup de légèreté, les députés qui ont entamé l’examen de la loi dit « de simplification de la vie économique », ont décidé de faire un grand ménage dans de nombreuses instances en santé. Même si le parcours de ce texte n’est pas encore terminé, les députés ont pour l’instant voté la suppression d’instances comme le Haut conseil à l’avenir de l’assurance-maladie, les comités économiques et sociaux régionaux (Ceser), la commission des conseillers en génétique… Mais dans ce grand élan de simplification, certaines demandes paraissent totalement déconnectées du terrain. Ainsi, relate le Quotidien du Médecin : « La députée Anne-Laure Blin (DR) a proposé de supprimer la Haute Autorité de Santé (HAS), « au regard de son statut de doublon administratif avec Santé Publique France ». Sans succès pour l’instant, puisque son amendement a été rejeté. Même sort négatif pour les divers amendements de suppression de la conférence nationale de santé (CNS), organisme consultatif placé auprès du ministère de la Santé, ou du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), déposés pour les mêmes raisons de gaspillage supposé. Ce n’est pas tout. L’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC), également ciblée, a pour l’instant été sauvée car les amendements de suppression de l’obligation de DPC ont été jugés irrecevables. Mais ceux-ci pourraient revenir sous une autre forme, lors de l’examen en séance publique, depuis le 8 avril.
Qu’en dit le terrain ?
En ce qui concerne l’ANDPC, la réaction a été immédiate du côté des salariés de l’organisme. La CGT a déposé un préavis de grève, alertant sur les conséquences d’une disparition brutale de l’ANDPC qui, bien sûr, laisserait ses employés sur le carreau.
A peine connu par les professionnels de santé concerné, l’ANDPC pourrait bien disparaître, et avec elle les ambitions d’améliorer l’accès à la formation professionnelle continue en santé.
Références