Un premier test donne des éclaircissements sur les capacités des Nuance Audio d’EssilorLuxottica
Un audioprothésiste indépendant a testé les performances des lunettes auditives Nuance Audio. Selon ses conclusions, ces lunettes s’apparentent davantage à un accessoire qu’à un véritable appareil capable de compenser une perte auditive.

Les lunettes auditives Nuance Audio du géant franco-italien EssilorLuxottica débarquent sur le marché français. Elles se destinent aux personnes souffrant de pertes auditives légères de moins de 30 dB, mais aussi à celles pour qui la stigmatisation de la perte d’audition serait un frein à l’appareillage. Elles fonctionnent avec un concept nouveau, puisque la partie aide auditive est totalement invisible. Le haut parleur consiste en un petit trou à peine visible sur la monture, qui se place juste devant le pavillon de l’oreille et diffuse le son capté et augmenté par un micro placé lui aussi dans la monture.
Une solution qui, de par son design, doit aussi permettre de se démarquer de l’appareillage auditif classique, souvent jugé plus stigmatisant. Mais que valent vraiment ces lunettes ?
Testées pour répondre aux interrogations des patients
C’est la question que s’est posée Romain Decolin, un audioprothésiste indépendant de l’enseigne Audition Conseil. « Compte tenu de la puissance de frappe d’Essilor, nous sommes en droit de nous interroger sur les capacités de cette innovation et, à minima, de pouvoir répondre aux demandes de nos patients qui en parleraient. (La solution n’est pas homologuée comme Dispotif Médical pour de l’appareillage auditif et est distribuée par le réseau d’opticiens) », explique l’audioprothésiste dans un post publié sur LinkedIn.
Après avoir réalisé une série de premières mesures et tests aidé d’une étudiante, il en a conclu que, a priori, l’antilarsen n’avait pas d’opposition de phase. Autrement dit, il ne compense pas activement les sifflements en générant un signal opposé pour les annuler. Le président du Syndicat des audioprothésistes, Brice Jantzem, qui s’est lui aussi livré à un test, a de son côté décrit « un antilarsen rapide mais qui n’empêche pas quelques apparitions. »
Les lunettes ont été soumises à des mesures in vivo (MIV), gain naturel de l’oreille (GNO), Gain de l’Oreille Réelle (REUG) et Réponse de l’Oreille Réelle avec Aide (REAR), effectuées avec un signal standard IST à 65 dB et un volume maximum, selon les 4 profils de pré-réglages de l’application dédiée.
Quelle place pour l’audioprothésiste ?
Au regard des résultats (consultables ici), Romain Decolin a estimé que les lunettes Nuance Audio s’apparentent plutôt « à un accessoire qu’à une véritable solution d’amplification et de compensation de la perte auditive », conclut l’audioprothésiste dans son message, qui regrette que l’audioprothésiste ne puisse pas apporter son expertise, notamment pour ce qui concerne les réglages. Dommage quand on sait que ces lunettes seront vendues pour la bagatelle de 1 100 euros, soit des prix comparables aux appareils de Classe I, éligibles au 100 % Santé et remboursés aux patients, et qui, eux, bénéficient de l’accompagnement d’un professionnel de santé.
Brice Jantzem s’est lui aussi interrogé sur LinkedIn sur les implications d’un tel appareil, concernant notamment le risque de le distribuer sans diagnostic ORL préalable, la gestion des pertes auditives asymétriques, l’information sur les droits au 100 % Santé pour les pertes supérieures à 30 dB, ainsi que la place laissée aux professionnels de santé — audioprothésistes, médecins, opticiens — en matière de diagnostic, de conseil et de suivi.