Des thérapies sonores contre les acouphènes invalidants
L'étude multicentrique de l'Afrépa montre que la qualité de vie des patients souffrant d'acouphènes invalidants peut être améliorée par l'utilisation de thérapies sonores. La HAS devrait prendre en compte ces résultats dans ses prochaines recommandations.
Le professeur Thai-Van, président de l'Association Francophone des Équipes Pluridisciplinaires en Acouphénologie (Afrépa), et la docteur Fraysse, cofondatrice et actuelle vice-présidente de l'association.
L’accompagnement des patients souffrant d’acouphènes ou de surdité en France est encadré par le décret no 2019-21 du 11 janvier 2019. Ce texte précise les critères permettant l’accès au remboursement des appareils auditifs à travers différents critères, notamment le niveau de perte auditive et le seuil d’intelligibilité dans le silence ou dans le bruit.
En France, les patients qui ne remplissent pas ces critères ne peuvent pas bénéficier du remboursement d’appareils auditifs, y compris ceux présentant des acouphènes invalidants. Pourtant, les données présentées au congrès de la SFORL, à Lille, en octobre dernier, par le professeur Hung Thai-Van, président de l’Association Francophone des Équipes Pluridisciplinaires en Acouphéno- logie (Afrépa), et la docteure Marie-José Fraysse, cofondatrice et actuelle vice- présidente de l’association, indique que le couple « surdité légère plus acouphènes » est fréquent : dans une cohorte de 295 patients consultant pour des acouphènes (Roger, et al., 2018), 61 % avaient une audition normale ou une surdité légère, avec un score de Tinnitus Handicap Inventory (THI) moyen de 55/100. La situation reste donc problématique pour les patients présentant un acouphène invalidant associé à une surdité ne rentrant pas dans les critères d’appareillage. Or la prise en charge reposant sur les thérapies sonores (telles que les aides auditives) a montré des résultats très positifs lors de l’étude multicentrique menée par l’Afrépa.
Une étude des effets des thérapies sonores
Un protocole minutieux a été élaboré par les membres de l’Afrépa pour garantir la pertinence de l’étude, portant spécifiquement sur les effets des thérapies sonores. Cette étude a été réalisée par six équipes pluridisciplinaires de l’Afrépa, impliquant des ORL et des audioprothésistes de Lille, Lyon, Paris, Toulouse, Bordeaux et Nantes, avec le conseil scientifique de Philippe Fournier, professeur d’audiologie à Québec. L’étude a été réalisée sur six semaines.
128 patients ont été inclus, présentant un acouphène bilatéral de plus de 3 mois accompagné d’une surdité légère bilatérale également (16 dB en moyenne), avec un score THI supérieur à 38 et sans hyperacousie.
Tous ont suivi un parcours incluant six rendez-vous au total, chez l’ORL ou chez l’audioprothésiste. Les participants ont été répartis en 3 groupes : placébo, générateur de bruit seul et générateur de bruit assorti d’une amplification. Les progrès ont été mesurés à l’aide de questionnaires THI, mais aussi par échelle visuelle analogique (EVA), pour analyser l’intensité de la gêne. À la fin de l’étude, les patients avaient le choix de rendre ou de conserver leurs appareils.
L’amplification plébiscitée
Si la docteure Marie-José Fraysse a souligné l’existence d’un effet placébo dès le début de l’expérience, elle note que celui-ci reste stable dans le temps. Pour le groupe bénéficiant d’un générateur de bruit, une amélioration légèrement significative est identifiée. Le groupe disposant d’une amplification en plus du générateur de bruit a rapporté une nette satisfaction. Les participants ont opté majoritairement pour l’amplification, avec ou sans générateur de bruit, lorsqu’ils ont eu le choix.
D’autres facteurs d’action sur le ressenti des acouphènes, notamment l’écoute et les conseils de l’ORL, ont fait baisser l’indice fonctionnel des acouphènes. Cet indice a évalué et quantifié pour tous les groupes de patients la gravité et l’impact négatif des acouphènes sur le patient. L’étude a montré que, dans le groupe placébo, seuls 36 % des patients ont ressenti une amélioration de leur inconfort. Le groupe ayant bénéficié d’un générateur de bruit était partagé sur la perception d’un changement ; en revanche, plus de 80 % des patients ayant bénéficié d’une amplification ont ressenti une amélioration.
Des résultats intégrés dans les recommandations de la HAS ?
La docteure Fraysse a conclu sur le fait qu’il existait donc bien une indication d’utilisation de l’amplification par aides auditives pour les patients souffrant d’acouphènes invalidants avec une surdité légère. Ainsi, la prise en charge par l’Assurance Maladie incluant une amplification auditive par appareillage ou thérapie sonore personnalisée serait une grande avancée pour ces patients. L’intérêt de l’appareillage est double : restaurer l’information auditive (la réduction du contraste sonore peut amplifier l’acouphène) et fournir un signal de masquage et de gestion de l’acouphène par le biais de l’appareil. La spécialiste a ajouté que la HAS, dont les recommandations sont en attente, devrait prendre en compte les résultats de l’Afrépa dans la publication de ses préconisations.