Un traitement qui fait consensus aux premiers stades de la maladie
La réponse de la médecine face à la maladie Ménière fonctionne par paliers. Si 95 % des patients sont pris en charge avec des traitements médicaux qui font consensus, environ 5 % doivent subir une opération chirurgicale, qui pose davantage question.
Même si les causes de la maladie de Ménière sont inconnues, il existe un certain consensus sur les traitements à apporter, du moins aux stades les moins graves de la maladie. Malgré tout, quel que soit l’avancement, il n’existe pas de traitement qui guérisse la maladie de façon définitive.
D’abord, il s’agit de répondre à la crise du malade grâce à un traitement qui repose sur des antivertigineux (comme l’acétylleucine) et des médicaments contre les vomis- sements (antiémétiques), ainsi qu’un traitement à base de corticoïdes pour empêcher l’enchainement des crises vertigineuses.
Ces médicaments sont donnés par injections intraveineuses en cas de crise grave (afin d’éviter les rejets par le malade), ou sous forme de comprimés si la crise est modérée.
Le traitement de fond dépend quant à lui de l’évolution de la maladie. Si la personne fait très peu de crises, c’est-à-dire moins de trois par an, les médecins n’en prescrivent généralement pas.
Si le patient se met à faire des crises répétées qui deviennent invalidantes, alors les médecins instaurent un traitement de fond dont le standard repose sur la bétahistine (un médicament vasodilatateur servant à améliorer le flux sanguin vers l’oreille interne), sur les médicaments à visée osmotique (principalement le sirop de glycérol) et sur le diamox (diurétique, pour favoriser l’élimination de l’eau).
La prescription de diurétique doit se faire sous l’étroite surveillance d’un médecin. « Ce n’est pas un traitement de première intention, car il peut donner des effets secondaires comme des chutes de potassium », précise le Dr Pierre Lavagna, médecin ORL, directeur du centre Otoneuro à Monaco.
Par ailleurs, il est possible de réaliser des injections de corticoïdes dans l’oreille moyenne à travers le tympan. Celles-ci permettent de résorber les problèmes de vertiges.
Parallèlement à cela, il est très important de ne pas négliger les « mesures d’hygiène », c’est-à-dire « bien dormir, se reposer, prendre des vacances et traiter éventuellement un terrain anxieux ».
Il est possible de prendre en charge efficacement le stress du patient grâce à de la sophrologie ou des thérapies cognitives, car « le terrain psychologique favorise de façon évidente la survenue de la maladie », ajoute l’ORL monégasque.
« Il ne faut pas laisser la maladie s’installer, ajoute Jacques Foenkinos, président de l’association France Acouphènes. En cas de crise, il faut accepter son état et ne pas avoir peur de la crise, sous peine de l’accentuer et de l’amplifier. Même si on est un peu mal, il faut sortir de chez soi, ne pas s’isoler, sinon on ne vit plus et, surtout, le malade va se concentrer sur ce qui ne va pas. »
La chirurgie en dernier recours
Enfin, si tous les traitements précédemment cités échouent, il existe un troisième palier de réponse : la chirurgie. Il est possible d’aller sectionner le nerf de l’équilibre (neurotomie vestibulaire, ce qui détruit l’équilibre, mais pas l’audition), ou bien de faire une ligature du canal endolymphatique.
Toutefois, il est rare que les patients atteignent cette phase ultime. Ils représentent moins de 5 % des malades, explique le médecin ORL et chirurgien Stéphane Gargula : « Personnellement, je ne pratique pas la neurotomie vestibulaire en première intention, parce que la maladie peut devenir bilatérale dans un tiers des cas. Cela peut devenir plus désagréable pour les patients. En revanche, je pratique beaucoup la chirurgie du sac endolymphatique, une technique assez récente, qui consiste à clipper ce sac pour arrêter ou diminuer les crises de vertiges, sans détruire l’audition. »
Il est également possible de réaliser une labyrinthectomie, qui vise à détruire l’oreille interne, mais cela détruit l’équilibre et l’audition à la fois.
Toutes ces opérations sont prescrites uniquement dans les cas extrêmes : 80 % des patients de Ménière sont bien gérés avec des médicaments oraux, 15 % avec de la cortisone.
Des avancées thérapeutiques limitées, l’IRM à la rescousse
Au niveau du diagnostic de Ménière, des petits progrès ont été faits ces dernières années grâce aux examens IRM qui permettent de mesurer la dilatation de l’endolymphe, et donc de visualiser l’étendue de la maladie.
« Avant l’imagerie, on attribuait à Ménière beaucoup de choses possiblement différentes. C’était un peu un fourre-tout. L’IRM a permis de dire que certains patients n’étaient en fait pas atteints de Ménière », explique le Dr Gargula.
Concernant la thérapie, « malheureusement, nos connaissances n’ont pas sensiblement évolué depuis dix ans, parce que Ménière est une maladie très capricieuse. J’ai des patients qui font des crises pendant plusieurs mois puis, tout à coup, plus rien, avant de recommencer dix ans après », témoigne le Pr Darrouzet, président de la Société Française d’ORL.
Plusieurs programmes de recherche sont en cours en France, dont un volet sur les neurosciences, à Paris, qui cherche à comprendre les causes encore inconnues de Ménière.
Le Dr Gargula, lui, étudie la mécanique des fluides de l’oreille pour savoir pourquoi la dilatation de l’hydrops crée les symptômes et pourquoi il y a une atteinte sur les sons graves : « Cette meilleure compréhension va permettre, à court terme, d’affiner les traitements en fonction du profil de patients et d’éviter de faire des neurotomies. »