Louise Monne, une jeune ostéopathe dont la surdité reste un mystère
À 30 ans, Louise Monne est ostéopathe à Clermont-l'Hérault. Elle est atteinte d'une importante surdité bilatérale d'origine inconnue et atypique, ce qui la rend particulièrement difficile à appareiller. Malgré la rencontre avec un audioprothésiste de Nevers, qui a fini par trouver un réglage adapté, elle a dû surmonter de nombreuses épreuves pour en arriver là.

L'ADN de Louise est en cours de séquençage pour trouver l'origine de son importante surdité
Née entendante, Louise a commencé à perdre progressivement l’audition vers l’âge de huit ans. Aujourd’hui, sa surdité – dont l’origine reste un mystère – est évaluée à 98 % du côté droit et 95 % du côté gauche. « Je suis suivie dans différents hôpitaux, notamment à Necker et à Trousseau. Mon ADN est encore en cours de séquençage mais, jusqu’ici, aucun gène connu lié à la surdité n’a été identifié », explique la jeune femme. Après plusieurs examens d’imagerie, ses oreilles paraissent normales sur le plan anatomique. Toutefois, Louise n’a pas de réflexe stapédien, ce mécanisme qui protège habituellement contre les sons trop forts.
Des appareils difficiles à régler
Louise est appareillée depuis l’âge de douze ans. Pendant longtemps, elle a souffert du réglage de ses prothèses. La raison ? Sa surdité particulièrement difficile à appareiller, son seuil de douleur étant presque au même niveau que celui de son audition. « Les sons doivent être très forts pour que je les entende et, dans le même temps, ils deviennent rapidement douloureux. »
Ses premiers appareils, mal adaptés, amplifiaient indistinctement les bruits environnants. « Je comprenais mal la parole des gens tandis que tous les bruits parasites étaient amplifiés. J’entendais même les grésillements des réverbères dans la rue. C’était très pénible. » Après plusieurs années d’errance, elle rencontre en 2013 à Nevers un audioprothésiste compétent et attentif qui a su trouver les bons réglages. « Grâce à lui, ma vie a vraiment changé et je lui dois beaucoup. Il m’a proposé une autre marque, Oticon, et le résultat a été immédiat. Depuis, je ne porte plus que les modèles de ce fabricant. » Installée dans l’Hérault depuis 2022, elle a consulté un nouveau professionnel à Béziers qui a poursuivi le travail entamé par l’ancien audioprothésiste.
Une implantation prochaine ?
Malgré les bons résultats obtenus avec l’appareillage, la donne a récemment changé à la suite d’une importante dégradation de son audition, survenue entre fin 2024 et début 2025. Louise sent aujourd’hui qu’elle a atteint les limites de ses prothèses et envisage de passer aux implants cochléaires, même si le parcours semble difficile. « J’ai commencé le processus de réflexion avec une première consultation auprès du Pr Michel Mondain, au CHU de Montpellier. Il a cependant évoqué une nouvelle piste et prévu des examens complémentaires avant de prendre une décision », explique-t-elle. Malgré ces épreuves, Louise explique mener une vie tout à fait normale. « J’ai la chance de travailler dans un environnement très calme. Dans mon cabinet, j’arrive bien à comprendre les gens en face de moi grâce à mes appareils et à la lecture labiale. » « Dans ma vie de tous les jours, je peux absolument tout faire, notamment de la randonnée, un sport que je pratique beaucoup. La surdité n’est pas contagieuse, nous pouvons faire exactement la même chose que les autres », souligne-t-elle.
Harcèlement scolaire
Pendant longtemps, Louise a été victime de harcèlement scolaire à cause de sa surdité. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette situation s’est poursuivie jusque dans les études secondaires, y compris pendant la première partie de son cursus d’ostéopathie. Les maltraitances ont commencé dès le premier jour de son appareillage au collège, de la part d’autres élèves mais aussi de professeurs. « Certains enseignants ont modifié leur attitude envers moi, devenant même hostiles, ayant du mal à croire que j’avais besoin d’appareils pour entendre alors que je parlais parfaitement bien. Le terme sourd-muet demeure malheureusement toujours bien ancré ! », déplore-t-elle.
Après l’obtention de son baccalauréat, Louise désire travailler dans le soin et entame des démarches pour passer le concours infirmier. Toutefois, elle n’est pas autorisée à le présenter. « D’après la commission, je n’aurais pas été ‘en mesure de communiquer avec le corps médical et les patients’. » Elle se tourne ensuite vers la chiropraxie mais doit abandonner au bout de deux ans, faute d’aménagements. « Pour continuer, il fallait obtenir un score suffisant au TOEIC, un test d’anglais composé d’une partie écrite et d’une partie orale, matière éliminatoire qui m’écartait d’office du fait de mes difficultés à entendre… » Louise commence alors des études d’ostéopathie dans une première école. Là aussi, elle fait face à de nombreuses difficultés. « J’étais une nouvelle fois ‘suspecte’ car je m’exprimais bien oralement. »
« Des professeurs ont refusé de porter un masque inclusif »
« Le micro connecté à mes appareils, pourtant très utile, n’était pas toujours accepté par les professeurs. Et faire appliquer le tiers-temps a été une lutte, quelquefois perdue, à chaque session d’examens », se souvient-elle. Une situation qui s’est dégradée pendant le Covid : « J’ai fourni moi-même des masques inclusifs mais certains professeurs refusaient de les porter, me privant ainsi de toute lecture labiale. » Lassée et à bout, elle prend une décision radicale en 4e année d’ostéopathie en déménageant à Béziers pour intégrer une nouvelle école. Louise a pu terminer ses études dans un environnement beaucoup plus sain. « J’ai rencontré une direction et une équipe pédagogique très professionnelles pour qui le handicap n’était pas un obstacle mais au contraire une richesse. » Elle a ouvert son cabinet il y a tout juste un an, directement après l’obtention de son diplôme.
Aujourd’hui, les difficultés sont derrière elle et les retours des patients sont très bons. « J’ai compris qu’il ne fallait pas renoncer quand on a une véritable envie », conclut-elle.