Pierre-Olivier Coutant, un champion de surf sourd profond
À 37 ans, Pierre-Olivier Coutant est triple champion de France de surf dans la catégorie sourds. Il a récemment obtenu la quatrième place aux Deaflympics de Tokyo 2025. Atteint d'une surdité profonde (95 décibels d'un côté et 98 de l'autre), le champion est appareillé depuis toujours. À travers l'école de surf qu'il a fondée, il œuvre pour l'inclusion des personnes en situation de handicap.
Pierre-Olivier Coutant voyage beaucoup.
Né à Saumur, dans le Maine-et-Loire, Pierre-Olivier Coutant a passé les premières années de sa vie loin de l’océan. Puis, vers l’âge de 10 ans, ses parents sont mutés à La Réunion. Sa vie bascule. Les vagues sont littéralement devant sa porte et il se passionne tout de suite pour la glisse.
« J’ai eu mon premier bodyboard et j’ai rapidement découvert le surf grâce à un cours d’initiation. Cela a été la révélation. Je n’ai plus pensé qu’à cela », se souvient-il. Deux ans plus tard, il participe à ses premières compétitions locales. L’adolescent annonce à ses parents qu’il veut devenir moniteur de surf. « Ma mère m’a répondu : « Tu es sourd, personne ne voudra te confier des élèves ! » Je me suis dit : tant pis, je vais continuer à pratiquer et faire des compétitions. »
En 2005, il part pour un tour du monde d’un an avec ses parents. Il s’entraine alors dans différents pays. « J’ai eu une chance incroyable », souligne-t-il aujourd’hui.
Pierre-Olivier rentre ensuite en France, à Saumur, avec ses parents. Il est alors en classe de terminale et n’a qu’une idée en tête : habiter près de l’océan. « Peu importe les études, la seule chose importante pour moi était de pouvoir surfer. »
Plusieurs titres prestigieux
Après l’obtention d’un baccalauréat scientifique, il part avec sa mère à Anglet, au Pays basque, pour s’entrainer de façon intensive. Là-bas, il s’inscrit dans une formation scientifique, mais finit rapidement par abandonner. « C’était trop compliqué de suivre les cours. Je n’arrivais pas à prendre des notes. Quand le professeur parlait, je ne pouvais pas lire sur ses lèvres.
Pierre-Olivier enchaine les petits boulots en parallèle du surf. Il obtient un brevet de moniteur bénévole, puis réussit un test de sélection très exigeant pour devenir professeur de surf (le BPJEPS). C’est à cette période qu’il découvre les compétitions réservées aux personnes sourdes. En 2017, lors de sa première participation, il devient champion de France dans cette catégorie, un titre qu’il remportera à trois reprises.
Pierre-Olivier part ensuite aux États-Unis pour progresser et se mesurer aux meilleurs surfeurs sourds de la planète. En 2018, il devient champion de sa catégorie au Hawaii Adaptive Surfing Championships, puis remporte l’US Open Adaptive, en Californie. Tout récemment, en novembre 2025, le champion a représenté la France aux Deaflympics de Tokyo (Japon), une compétition internationale multisport réservée aux sportifs malentendants et sourds. Il a obtenu la première place en longboard et la quatrième en surf.

Le champion a remporté trois fois les championnats de France.
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Une école pour enfants sourds
Ces grosses victoires à l’étranger en 2018 ont bouleversé la suite de son parcours. À son retour en France, Pierre-Olivier a acquis une certaine notoriété, ce qui lui a permis d’ouvrir sa propre école de surf.
« En rentrant, beaucoup de sourds qui me suivaient ont demandé à prendre des cours avec moi. Je leur disais de s’inscrire dans mon club de l’époque, mais il n’y avait plus de places. » Face à cet afflux, il s’est résolu à créer sa propre structure. Aujourd’hui basée à Bidart, l’école de surf de Pierre-Olivier est itinérante. Il se déplace dans tout le Pays basque avec son camion et son matériel.
Bien que ses cours soient ouverts à tous, le champion accueille de nombreux élèves en situation de handicap, spécialement des personnes sourdes. « Beaucoup de parents me confient leurs enfants handicapés, car ils savent que je suis moi-même dans cette situation et plus à même de les comprendre. » Selon une proche, Pierre-Olivier « ne crie jamais et fait preuve d’une très grande patience ». Une approche que les élèves apprécient particulièrement. Il aurait également développé ses autres sens, en particulier la vue. Cela lui permet d’anticiper « mieux que personne » les vagues et les dangers.
Pierre-Olivier accueille également des élèves ayant vécu un traumatisme, des militaires en retour de mission comme des personnes victimes d’un début de noyade. « Je les aide à reprendre confiance en eux et à se reconstruire par le surf. »

En 2018, il a remporté des victoires majeures aux États-Unis.
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Besoin d’un appareillage « ultraperformant »
Quand il surfe, Pierre-Olivier enlève ses prothèses auditives. « Même si mes appareils sont étanches, je ne peux pas les porter en mer. Il y a trop de mouvements et je risquerais de les perdre. » Cela ne le gêne pas pour autant. « Je suis né sourd et je me sens plus à l’aise en n’entendant rien qu’en entendant. » Pendant ses cours, il communique surtout grâce aux gestes et à la lecture labiale. Il demande simplement aux élèves de se tourner vers lui pour lui parler.
Pierre-Olivier explique avoir besoin d’appareils « ultraperformants » du fait de sa surdité profonde et de ses activités intenses. Il est actuellement équipé de prothèses Intent, d’Oticon (étanches et à recharge rapide), fournies dans le cadre d’un partenariat noué en octobre 2025 avec Oticon et Audilab : le champion est ambassadeur de ces marques sur les réseaux sociaux. « Grâce à ces nouveaux appareils, je peux entendre certains sons, comme le bruit du passage piéton ou le bip du microonde. Le fait qu’ils soient étanches me permet de les porter sans craindre la pluie, l’humidité du camion ou la transpiration. Avant, je préférais laisser mes prothèses à la maison pour ne pas les abimer. » Un confort supplémentaire pour celui qui, chaque jour, met son expérience de la surdité au service des autres.