Thibault Broizat : "J'ai développé un lien unique avec mon audioprothésiste" 

Thibault Broizat, malentendant depuis la naissance, est un jeune commercial de 26 ans. Il a développé un lien très fort avec son audioprothésiste, lui aussi malentendant. Ce dernier, qui l'accompagne depuis toujours, lui a donné confiance et permis d'intégrer un parcours scolaire classique. Voici comment.

Par Sylvain labaune, publié le 28 avril 2025

Thibault Broizat : « J’ai développé un lien unique avec mon audioprothésiste » 

Thibault a été diagnostiqué malentendant à l’âge de 18 mois. Le jeune homme aujourd’hui âgé de 26 ans, originaire de la région lyonnaise, est né avec une malformation congénitale, qui a affecté ses conduits auditifs. La perte auditive, estimée à 60 % pour les deux oreilles, ne s’est pas dégradée depuis le premier diagnostic. « Quand j’étais bébé, un médecin a dit à mes parents que je ne parlerai jamais de ma vie. Ainsi, j’ai été décrit comme un enfant voué à une vie de silence« , analyse-t-il aujourd’hui. Mais les choses ne sont pas passées comme l’avait prédit cette femme médecin. Ses parents entrent en contact avec un audioprothésiste qui appareille le jeune Thibault dès ses 18 mois. Cet audioprothésiste, Jean-François Vesson, exerce encore aujourd’hui à Lyon. Il suit toujours Thibault. « Il m’a appareillé tout de suite en disant à mes parents que c’était possible d’entendre correctement. Grâce à cet appareillage, j’ai pu intégrer un cursus classique dès la maternelle, malgré l’avis du médecin qui m’avait diagnostiqué. Celle-ci avait recommandé de me placer dans un institut spécialisé pour enfants sourds. J’ai eu la chance d’être entouré d’une famille très aimante, qui n’a pas lâché prise et a fait tout pour que je puisse intégrer un cursus classique« , explique Thibault. Les premières années de scolarité n’ont pas été simples. Si Thibault n’a jamais souffert de moqueries ou de harcèlement liés à sa surdité, il a fait face à un environnement peu – voire pas – préparé à accueillir un enfant malentendant. « Le personnel scolaire, sans faire aucun reproche, n’était absolument pas formé pour prendre en charge un enfant un petit peu différent. » « Ma surdité demandait une concentration énorme pour suivre le cours et ne pas manquer les informations, mais j’ai tenu bon, notamment en me mettant au premier rang », se souvient-il.

Un fossé technologique à partir de 2010

Mais les choses changent à partir des années 2010 et le bond en avant des technologies d’appareillage. « Les appareils sont devenus beaucoup plus légers et performants sur la captation et la retransmission du son. C’est devenu beaucoup plus simple pour moi de suivre en classe. » « A l’époque, à la fin des années 90 et début 2000, mes premiers appareils étaient énormes et j’avais les oreilles un peu tombantes.

Ils fonctionnaient avec des piles qu’il fallait changer sans cesse. C’était une source constante de stress pour mes parents », confie-t-il. Au fil des années, les appareils sont également devenus personnalisables. Thibault a pu choisir des coques assorties à la couleur de ses cheveux pour les rendre quasiment invisibles. « À la fin de mes études, en 2021 en école de commerce, ils étaient tellement discrets que mes professeurs ne savaient même pas que j’étais malentendant. » Thibault est titulaire d’un Master de l’Idrac Business School. Après un déménagement en Ile-de-France fin 2024, il est actuellement à la recherche d’un poste de responsable commercial dans une entreprise du secteur de l’audition. Le jeune homme a toujours été équipé avec des appareils Signia (anciennement Siemens). Il porte depuis 4 ans des prothèses de la gamme Pure Charge & Go. « La connexion en Bluetooth m’a vraiment changé la vie. Je peux entendre tous mes appels et visios directement dans mes appareils. »

Acceptation de la surdité grâce à un tournoi de tennis

Thibault a noué une relation extrêmement forte avec Jean-François Vesson, son audioprothésiste de toujours. Une figure d’autant plus importante pour lui que, dès les premiers mois de sa vie, une partie du corps médical s’était montrée très pessimiste sur ses capacités à entendre et à parler. Le jeune homme continue de le consulter régulièrement, et ce même s’il a quitté Lyon. « Il s’est tout de suite noué un lien très fort entre nous, peut-être parce que lui aussi est malentendant. » « J’aurai toute ma vie un respect incroyable pour cet homme car il a su me donner de la confiance et me montrer qu’être malentendant, ce n’était pas si grave mais plutôt une étape qu’il fallait relever ensemble », explique Thibault. « Il ne me viendra jamais à l’idée d’aller voir quelqu’un d’autre. C’est plus que mon audioprothésiste », précise-t-il. Si le soutien indéfectible de son audioprothésiste a beaucoup aidé Thibault à avancer, cela n’a pas empêché le jeune homme de vouloir cacher pendant longtemps sa surdité. « Ce n’est pas que j’avais honte, mais je n’avais pas envie d’être réduit à cela. Je faisais tous les efforts possibles pour que cela ne se sache pas », confie-t-il. Le déclic est venu très récemment, en octobre 2024, lorsque Thibault participe pour la première fois au Master France Tennis des Sourds et Malentendants. Classé 15/5, Thibault pratique ce sport depuis des années, mais c’est la participation à ce tournoi national qui a tout changé. « Cela a été une expérience humaine absolument incroyable. J’ai rencontré plein de personnes comme moi et je me suis rendu compte que je n’étais pas seul. Ils parlaient de leur surdité avec une telle liberté que cela m’a remis à ma place », explique-t-il. « Depuis ce jour, j’ai décidé de faire de ma surdité une force et j’ai commencé à en parler directement, sans détour », ajoute-t-il. Aujourd’hui, Thibault ne cache plus sa surdité. Elle est une partie assumée de son identité.